Les héritages en Suisse augmentent mais leur imposition diminue

Les héritages en Suisse augmentent mais leur imposition diminue

Le volume des héritages en Suisse devrait atteindre un montant record de 95 milliards de francs en 2020, ce qui représente en moyenne environ 11'000.- par habitant. Selon le dernier rapport de la revue Social change in Switzerland, l’héritage joue un rôle de plus en plus important dans la fortune des Suisses, la moitié de la fortune provenant de l’héritage. Parallèlement, l’imposition sur les successions a globalement baissé pour arriver à une moyenne de 1,4% contre 4,1% en 1990 dans un contexte de crainte d’exode fiscale. Avec son article, Marius Brülhart montre que cette crainte ne s’est pas vérifiée et que la succession représente donc une base imposable inexploitée.

95 milliards, c’est la somme totale des héritages en Suisse projetée pour 2020. Ce montant représente aujourd’hui la moitié de la fortune. Mais cette somme importante est de moins en moins soumise à la taxation. En Suisse, l’impôt sur la succession est passé à 1.4% en moyenne contre 4.1 % en 1990, certains cantons ayant même aboli cette taxe. La baisse s’explique en partie par la concurrence fiscale qui a a été un argument fort des différentes votations à ce sujet. Mais la crainte que les fortunes déménagent dans un autre canton en cas d’imposition trop forte sur la succession n’est que « présumée », comme le prouve Marius Brülhart, professeur en économie à l’Université de Lausanne. La concurrence fiscale entre les cantons a ainsi engendré une base imposable inexploitée non négligeable qui pourrait être utilisée pour investir dans de futures prestations publiques, et ce sans effets secondaires majeurs. Avec un retour au taux d’imposition de 1990 (4.1%), chaque canton pourrait dégager 2.5 milliards de francs.

Des héritiers toujours plus âgés

Les Suisses touchent leur héritage de plus en plus tard dans leur vie. 60% des bénéficiaires sont des personnes de plus de 60 ans. La tendance en matière de donations lors de la vie est également à la hausse et représente aujourd’hui 30 à 40 % du volume total des héritages. L’impact des héritages sur les inégalités sociales doit encore faire l’objet d’études. En revanche, les inégalités en matière de répartition de la fortune augmentent en Suisse. 1% de la population détient aujourd’hui plus de 40% de la fortune privée totale contre env. 32% en 1982.

La série Social Change in Switzerland documente l’évolution de la structure sociale en Suisse. Elle est éditée conjointement par le Centre de compétences suisse en sciences sociales FORS, le Centre de recherche sur les parcours de vie et les inégalités LINES et le Pôle de recherche national LIVES – Surmonter la vulnérabilité: perspective du parcours de vie. Le but est de retracer le changement de l’emploi, de la famille, des revenus, de la mobilité, du vote ou du genre en Suisse. 

Nos meilleurs voeux pour 2020!

Nos meilleurs voeux pour 2020!

Le PRN LIVES vous souhaite que 2020 marque le début d’un parcours plein de merveilleuses surprises.

Nos meilleurs vœux pour cette nouvelle année !

Retrouvez la version animée de cette carte sur notre plateforme Vimeo. 

Dario Spini, Directeur

Eric Widmer, Co-directeur

Colloque LINES / LIVES "Parcours de vie et inégalités sociales"

The Effect of Unemployment Insurance Design on Low Birth Weight and on Partners’ Work Effort

Introduction of the SNF research project, “Family Models and Unemployment: How Intra-Household Economics Moderate the Effects of Unemployment Insurance Design” and presentation of some results from the first two papers. Both papers use quasi-experimental designs looking at changes in unemployment insurance benefits (UI) and use administrative data. In the first paper, the researchers explore how partners within a household support each other during periods of unemployment and how that changes as unemployment insurance benefits erode. It is known that in low-earning or young married households, women increase their incomes when their husbands lose their jobs, called the “Added Worker Effect” or AWE. However, it is not known whether the AWE exists for men nor whether it holds in non-traditional families—a rapidly growing demographic. In this paper the researchers examine the AWE effect for men and for those in non-traditional families. After examining the overall AWE, they consider changes when UI is reduced. In the second paper, they explore the impact of UI generosity on birthweight. It has been shown that UI generosity contributes to better health. However, they do not know: whether these effects extend to family members of the unemployed and whether health effects of UI vary depending on partners’ income. This study addresses these gaps by examining how UI reductions impact the birth weight of children of both women who are themselves unemployed and those who have unemployed partners, for both considering whether partner income buffers the detrimental effects of UI cuts.

Le chez-soi : une ressource-clé pour les seniors

Le chez-soi : une ressource-clé pour les seniors

La 4e édition de "Age Report - Habitat et vieillissement : Réalités et enjeux de la diversité" explore la question de l’habitat chez les personnes âgées en Suisse. Ce rapport co-dirigé par Dario Spini (PRN LIVES) prouve la centralité du chez-soi dans la vie des seniors. La satisfaction des seniors en matière de logement a globalement augmenté mais de grandes inégalités restent, selon les régions linguistiques et entre ville et campagne. Ceci est notamment lié à la situation économique variable des seniors, une personne âgée sur cinq étant à risque de précarité financière. Le rapport présente des recommandations et des enjeux pour le futur des personnes âgées en Suisse, une population qui ne cesse de croître.

La satisfaction liée à la condition de logement n’a cessé d’augmenter depuis 2003, ceci grâce au confort du logement lui-même, au voisinage, à l’environnement mais aussi à l’attachement au lieu de vie. Malgré ces améliorations, l’habitat reste un enjeu de taille, surtout pour les personnes âgées les plus vulnérables. En effet, une personne âgée sur cinq risque la précarité financière. D’après cette étude, les bénéficiaires de l’AVS en Suisse sont globalement satisfaits de leur situation financière, bien qu’il existe de grandes différences selon les régions linguistiques. Ce sentiment est en effet inférieur en Suisse romande et au Tessin.

Le rapport présente également plusieurs recommandations et enjeux concernant la population grandissante de personnes âgées en Suisse.

  • Garantir la sécurité matérielle - L’habitat devrait être un lieu susceptible de pouvoir répondre aux besoins en termes de qualité de vie de l’ensemble des personnes âgées, indépendamment de leurs spécificités ou vulnérabilités potentielles.
  • Intégrer le réseau interpersonnelLa famille et le réseau interpersonnel des seniors contribuent à la réflexion sur le lieu de vie à privilégier (appartement, soins à domicile, EMS, etc.). La prise en compte de ces relations est importante pour améliorer la qualité de vie des seniors. 
  • Envisager des alternatives - Des alternatives au domicile traditionnel et aux EMS devraient être développées, ceci afin de mieux répondre aux besoins spécifiques des seniors, pour qui rester chez soi reste une priorité. Des propositions comme des colocations ou des unités spécialisées dans les EMS sont ainsi évoquées.
  • Impliquer les seniors dans la prise de décision - L’EMS peut être considéré comme un espace semi-privé, où beaucoup de décisions sont prises pour les seniors et leur lieu de vie, parfois sans les consulter. Le rapport invite à y réfléchir afin de garantir leur épanouissement et le respect de leur sphère privée.

De manière plus générale, l’ouvrage veut encourager la réflexion sur les lieux de vie des personnes âgées, en tenant compte de leur grande diversité, et propose d’y réfléchir en incluant le plus de facteurs d’influence possible. Les recherches menées dans le cadre de l’Age Report sont un outil de travail primordial pour les professionnels de terrain et les représentants des autorités publiques. 

L’Age Report IV - Habitat et vieillissement : Réalités et enjeux de la diversité, est la 4ème édition d’un rapport s’intéressant à la population de personnes âgées en Suisse. Co-dirigé par François Höpflinger (Université de Zurich), Valérie Hugentobler (Haute école de travail social et de santé Vaud) et Dario Spini (PRN LIVES), cet ouvrage est publié par la fondation Age-Stiftung et soutenu par la fondation Leenaards. Basé sur plus de 2'500 entretiens et couvrant les différentes régions linguistiques suisses, le rapport se focalise dans le cadre de cette édition sur le lieu de vie.  

Risque accru de chômage de longue durée pour les travailleurs âgés

Risque accru de chômage de longue durée pour les travailleurs âgés

En Suisse, les seniors souffrent de discriminations lors des processus de recrutement. Bien que moins déterminant pour les emplois de cadres, l’âge semble être un élément déterminant pour décrocher un contrat de travail. Les employés en fin de carrière qui retrouvent un travail font par ailleurs d’importantes concessions au niveau salarial.

Menée par le prof. en sociologie Daniel Oesch, cette étude montre que les employeurs tendent à préférer des profils plus jeunes pour des emplois impliquant des tâches routinières ou physiquement exigeantes. En effet, bien que présente dans toutes les catégories d’emploi, cette discrimination est observée de façon légèrement différente parmi les ouvriers, touchés dès 50 ans, et les cadres, qui pâtissent de ces difficultés 5 ans plus tard.

Par ailleurs, un autre frein à l’engagement de collaborateurs expérimentés est le salaire. Bien que les employeurs affirment que le salaire doit augmenter avec l’expérience professionnelle, ils ne sont pas prêts à faire cet investissement et continuent à favoriser l’engagement d’employés plus jeunes. Les données récoltées démontrent que, contrairement aux travailleurs plus jeunes, les seniors qui trouvent un nouvel emploi font le sacrifice d’une part importante de leur dernier revenu, allant jusqu’à 17%.

Les personnes de plus de 50 ans sont moins nombreuses à être inscrites au chômage que les jeunes en début de carrière, pour qui passer par la « case chômage » est plus fréquent, mais qui rebondissent plus facilement. Cette étude démontre que la durée du chômage ainsi que ses conséquences et les vulnérabilités induites sont plus importantes pour les personnes proches de l’âge de la retraite. Dans un contexte où les gouvernements d’Europe, dont la Suisse, tendent à augmenter l’âge de la retraite, il est urgent d’adresser ces thématiques afin que les travailleurs en fin de carrière puissent se réinsérer plus facilement sur le marché du travail.

* LIVES Working Papers est une série en ligne de publications en cours. Chaque article ne fait l'objet que d'un examen limité. Les auteurs sont responsables de la présentation des faits et des opinions qui y sont exprimées, lesquelles ne reflètent pas nécessairement celles du Pôle de national de recherche LIVES.

GT 29 AISLF Théories critiques - sociologies critiques (Tunis 6-10 juillet)

L'AISLF (Association internationale des sociologues de langue française) lance un appel à communications pour le Congrès GT29 - Théories critiques, sociologies critiques - qui se tiendra à Tunis, du 6 au 10 juillet 2020.

Informations et délais

Un espace public fragmenté ? Les médiations de la critique en question

L’espace public s’est constitué comme intermédiaire entre la sphère privée et le pouvoir politique (État). Il exige des sujets qu’ils fassent un «usage public de leur raison», en exerçant leurs capacités de jugement et de critique sur des questions d’intérêt général. De la part des participant·e·s, cela suppose une aptitude à formuler des énoncés sous la modalité du raisonnement public, et d’élever des propositions générales recevables par un public élargi. Prendre part à cette dynamique de formulation publique suppose une attitude critique. Cette aptitude à adopter le point de vue d’un « autrui généralisé », la posture générale d’un public composé d’agents délibératifs, renvoie en outre à une morale publique. Elle est le soubassement d’une critique politique du pouvoir et l’instance d’un contre-pouvoir.

Les expériences négatives et les blessures morales n’ont, en revanche, pas ce degré de généralité : elles sont situées, elles engagent des corps, des émotions et des sensibilités pratiques. Les travaux sur les « contre-espaces-publics » ont mis en évidence la nécessité d’une telle affirmation de particularité pour faire exister ces critiques. Pour être audibles publiquement, un travail de formulation et de construction de généralité s’impose. Des processus et des espaces ancrés de coordination, de construction et de médiation de la critique sont donc nécessaires. Le travail pratique d’expression, de formulation, et de généralisation rend cette expérience publiquement exprimable. Ce processus médiateur est nécessaire pour passer de l’expérience morale négative à l’expression publique et à la critique au sein d’un espace public politique. Associations, syndicats, organisations politiques, sont autant d’instances de traduction d’une critique pratique (personnelle, singulière) en une critique publique et politique.

À l’heure de la « crise des médiations », mais aussi de l’explosion des revendications de singularité, et d’une tendance du pouvoir politique à se replier sur lui-même en se fermant aux exigences de la société, ce travail de médiation de la critique semble compromis de toute part. Lorsqu’il est fermé à toute contestation et sourd à toute critique, le pouvoir politique alimente d’ailleurs de tels processus de repli – en inhibant d’emblée toute contribution issue des espaces informels d’expression et de mobilisation.

Un des risques de cette situation est la fragmentation de l’espace public en sous-espaces d’expression confinés. Cela peut être le cas des espaces délibératifs en ligne qui s’articulent autour d’une affirmation de singularités propres à des sous-espaces spécifiques. Cela peut être aussi le cas d’autres processus par lesquels les logiques expressives exclusives restent consignées à des espaces restreints, sans articulation publique et politique. Le risque est alors une fragmentation de l’espace public en sous-espaces singuliers incapables de porter des critiques et des revendications capables d’atteindre un degré de généralité pour être recevables dans un public politique élargi. L’espace public perd alors sa capacité à être un contre-pouvoir et le lieu d’un « pouvoir communicationnel ». L’essoufflement des médiations de la critique et l’incapacité croissante des espaces intermédiaires à assurer leur rôle de « caisses de résonance » de la critique pratique rend cette tâche d’autant plus ardue. C’est une des menaces qui pèsent à l’heure actuelle sur l’espace public.