Photo Hugues Siegenthaler

En Suisse, les inégalités dans les trajectoires individuelles de santé ne se creusent pas

Dans sa thèse de doctorat défendue le 12 décembre 2013 à Genève, Stéphane Cullati questionne le modèle des Avantages et/ou Désavantages Cumulés, et lui trouve moins de pertinence en Suisse qu’aux Etats-Unis. Son théoricien, Dale Dannefer, était présent pour en débattre.

Stéphane Cullati peut aujourd’hui se prévaloir du titre de docteur en sociologie pour une thèse par articles sur les trajectoires de santé de la population adulte en Suisse. Une revue systématique de la littérature vient d’être publiée dans le journal Advances in Life Course Research. Les trois autres papiers sont des études empiriques utilisant des données du Panel Suisse de ménages, avec différents échantillons et plusieurs méthodes d’analyse.

Sa thèse confirme que les facteurs socio-économiques influencent les trajectoires de santé. Cependant, « dans le contexte helvétique, il a été montré que le modèle des Avantages et /ou Désavantages Cumulés ne trouvait qu’un faible soutien empirique », possiblement en raison « du contexte du marché du travail et de la politique nationale de santé en Suisse ».

Lors de la défense publique de sa thèse, le 12 décembre au Centre interfacultaire de gérontologie et d’études des vulnérabilités, Stéphane Cullati a été vivement félicité par les cinq membres du jury, qui lui ont également soumis de nombreuses questions.

Le Prof. Dale Dannefer, de la Case Western Reserve University à Cleveland (USA), a déclaré qu’il s’agissait là d’une « thèse impressionnante et d’une excellente contribution à la littérature ».

Au sein du PRN LIVES, le Prof. Gilbert Ritschard a parlé d’un travail « très clair » avec « des outils avancés pas faciles à utiliser ». La directrice de thèse, la prof. Claudine Burton-Jeangros, s’est réjouie de cette contribution « à l’intersection de l’épidémiologie et des sciences sociales », dont les conclusions montrent que face à la vulnérabilité, « des mécanismes de compensation existent ».

Les questions ont notamment porté sur la pertinence de la mesure de santé générale auto-rapportée dans les enquêtes de panel, et sur la durée relativement courte du suivi longitudinal (moins de dix ans pour chacune des études empiriques). De quoi donner du travail à Stéphane Cullati pour la suite de sa carrière, qui se poursuivra à Londres dès l’été prochain, au International Centre for Lifecourse Studies in Society and Health.

Le Pôle de recherche national LIVES parraine le concours Haut & Court

Le Pôle de recherche national LIVES parraine le concours Haut & Court

Les ciné-clubs UNIL-EPFL organisent une compétition de courts-métrages avec plusieurs prix à la clé. Deux récompenses de 600 francs iront à des œuvres réalisées sur le thème « Bifurcations ». Elles seront remises par la direction de LIVES, pôle de recherche spécialisé dans l’étude interdisciplinaire des parcours de vie, lors du festival Fécule le 7 mai 2014.

Le semestre de printemps 2014 sera très cinématographique pour le Pôle de recherche national LIVES – Surmonter la vulnérabilité : perspective du parcours de vie (PRN LIVES). Basé en grande partie à l’Université de Lausanne, ce centre de recherche s’est allié avec les Ciné-clubs UNIL-EPFL pour proposer une saison de projections consacrée aux parcours de vie, sujet inépuisable du 7e art. En bonus, ce partenariat se prolongera dans le concours annuel de courts-métrages Haut & Court organisé par les mêmes ciné-clubs dans le cadre du festival Fécule des cultures universitaires.

« Bifurcations »

Le thème de la compétition officielle est « Bifurcations », un concept très présent dans l’étude des parcours de vie, indiquant les moments où la trajectoire des individus change de direction en raison d’un événement attendu ou inattendu. Les bifurcations dans le parcours de vie peuvent intervenir dans le cadre familial ou professionnel, elles peuvent aussi être liées à la migration ou à la santé, autant de domaines de la vie auxquels s’intéressent tout particulièrement les recherches du PRN LIVES.

Le délai pour la remise des projets (courts-métrages de 6 minutes maximum) est fixé au 18 avril 2014. Un jury composé de professionnels du cinéma et de représentants du PRN LIVES sélectionnera deux lauréats qui remporteront un chèque de 600 francs lors de la soirée de projection des œuvres en compétition, le 7 mai à la Grange de Dorigny dans le cadre du festival Fécule. Un autre prix de 300 francs sera attribué à une troisième œuvre dans la catégorie « compétition à thème libre ». Plusieurs prix en nature sont également prévus.

Une saison sur les parcours de vie

Le cycle sur les parcours de vie débutera quant à lui le mercredi 26 février 2014 au cinéma Le Capitole à Lausanne, avec la projection de Mr. Nobody de Jaco Van Dormael (2010), un film d’anticipation retraçant la vie d’un homme de 118 ans qui se trouve être le dernier humain sur Terre. Cette inauguration, dans la salle mythique du centre-ville, est organisée par les ciné-clubs UNIL-EPFL en collaboration avec la Cinémathèque suisse. Le thème de cette série sur les parcours de vie y sera présenté par la vice-directrice du PRN LIVES, la Prof. Laura Bernardi.

Les projections suivantes auront lieu chaque mercredi du 5 mars au 28 mai en alternance à l’EPFL et à l’UNIL. Le programme complet est en cours d’élaboration et sera diffusé prochainement. Des chercheurs et chercheuses du PRN LIVES seront présents à plusieurs de ces soirées pour faire le lien entre les films et la recherche, et débattre avec le public. Entrée libre à tous ces événements.

> http://cineclub.epfl.ch

> www.hautetcourt.ch

Photo Olivia Och

"Des principes à la pratique" : la sensibilisation aux questions de genre a été un vrai succès

Virginia Valian, professeure de psychologie au Hunter College de New York, et Denise Sekaquaptewa, professeure de psychologie à l’Université du Michigan, étaient les invitées des universités de Genève et de Lausanne du 27 au 29 novembre 2013. Leur mission : transmettre quelques outils de promotion de l’égalité aux hiérarchies des deux institutions et autres milieux concernés. Une initiative du Pôle de recherche national LIVES et des Bureaux de l’égalité des universités, à retrouver également en version audio.

Aéroport de Genève, lundi 25 novembre au matin. Virginia Valian est attendue avec le petit carton à son nom prêt à être brandi. Soudain une petite dame en long manteau sombre déboule, valise à roulettes au poing. D’après les photos, c’est elle. Mais pas le temps de montrer le carton, il faut vite la rattraper. Malgré le jetlag, cette chercheuse chevronnée pose déjà des questions. Un peu de repos dans son hôtel, et dès la fin de matinée nous enchaînons les questions-réponses.

La professeure de psychologie ne vient pas seulement pour dire ce qu’elle sait. Elle vient pour partager un savoir, pour échanger, mais aussi pour comprendre comment la promotion des femmes fonctionne en Suisse, dans nos institutions. Nous causons statistiques, étapes de la progression des carrières universitaires, Programme fédéral Egalité, recherches, plans d’actions égalité. Très vite, elle comprend la complexité de notre système. Toujours très curieuse, et surtout avec cette envie de pouvoir toucher son public, elle demande qui seront précisément les personnes qui vont assister au premier atelier prévu le surlendemain. Elle rentre à l’hôtel avec une pile de notes et de documents à compulser.

Mardi 26 novembre, c’est Denise Sekaquaptewa qui débarque. Grande mince, très posée, elle observe et questionne également. Nous allons voir la salle et préparons la séance du lendemain, parlons organisation de l’espace autant qu’égalité… Elles rentrent pour mettre au point leurs interventions.

Participation de haut-niveau

Mercredi 27 novembre, 13h15, c’est le jour J dans la salle 408 du bâtiment Uni Dufour de l’Université de Genève. Vingt-sept personnes sont présentes : le rectorat dans son ensemble, les doyen-ne-s ou leurs remplaçant-e-s, des professeur-e-s, parmi lesquels le co-directeur et des chercheurs du PRN LIVES, ainsi que quelques membres du corps intermédiaire plongés dans la thématique.

Les deux conférencières puisent de nombreux exemples dans plusieurs recherches sur les perceptions des différences de genre, ainsi que dans leur propre expérience de la promotion de l’égalité. Les participant-e-s posent des tas de questions, discutent beaucoup durant les moments de travail en groupe.

Le jour suivant à l’Université de Lausanne (UNIL), salle du Château de Dorigny, trente-et-une personnes ont répondu au même appel : une doyenne, beaucoup de professeur-e-s, dont le directeur et la vice-directrice du PRN LIVES et d’autres membres du pôle. A nouveau les questions fusent, la matinée est très interactive.

Le soir, après une introduction très engagée par le recteur de l’UNIL et la vice-rectrice pour la relève académique et la diversité - elle-même aussi membre de LIVES, Virginia Valian s’adresse à un plus large public, très majoritairement féminin. Sa conférence est intitulée du même nom que son best-seller paru en 1998 : « Why so slow ? » (Pourquoi si lentement ?)…

Former les formateurs

Vendredi 29 novembre enfin, toujours à Lausanne, c’est au tour de l’atelier de formation des formateurs d’être mené tambour battant par les deux chercheuses avec une quarantaine de participant-e-s venu-e-s de toute la Suisse, impliqué-e-s dans des programmes « égalité » aux niveaux universitaire, fédéral ou cantonal. Des tuyaux sont échangés, des contacts noués.

Durant cette rencontre, Denise Sekaquaptewa explicite la manière de travailler à l’Université du Michigan. Elle évoque par exemple le Stride Committee du programme ADVANCE, composé d’une douzaine de membres issus de toutes les facultés, des directions de département, des doyen-ne-s et autres professeur-e-s, amenés à siéger dans des commissions de nomination: « Nous étions avant cela déjà toutes et tous concernés par les questions d’égalité, mais ce que nous avons réalisé en nous réunissant, quand nous avons vraiment commencé à regarder les chiffres et à nous écouter les uns les autres, c’est que nous ne savions pas vraiment ce qui se passait. En réalité, nous étions assez naïfs… »

Que retenir ?

Les deux chercheuses rejettent quelques affirmations communément admises pour expliquer la stagnation des carrières féminines.

  • Inertie démographique, qui aboutirait au fait que les hommes sont toujours au top et les femmes en bas, mais que le temps fera son affaire.
    Pour elles, il faut au contraire être proactif, car il n’y a pas assez de femmes dans le pipeline.
  • Répartition inégale des tâches, qui fait que les femmes sont débordées, ne veulent pas de responsabilités.
    Faux, car les femmes sans charge familiale ne progressent pas forcément mieux.
  • On affirme qu’elles s’intéressent moins à la recherche, qu’elles changent vite d’intérêt…
    On ne peut pas émettre ce jugement sans regarder le contexte parfois très hostile dans lequel les chercheuses évoluent.
  • Les femmes ne savent pas négocier correctement, c’est pour cela qu’elles ne percent pas.
    Faux, car même quand elles négocient bien, on constate que les femmes sont moins écoutées, peu valorisées, voire plus pénalisées que les hommes.

Virginia Valian évoque la question des « schémas », qu’elle préfère au terme « stéréotype » car c’est un concept plus large. Les études expérimentales prouvent que les femmes elles-mêmes sous-estiment les autres femmes et jugent négativement celles qui se distinguent. La psychologue souligne aussi que ceux et celles qui nient l’existence d’inégalités sont également plus nombreux à avoir une opinion défavorable des compétences féminines.

Selon Denise Sekaquaptewa, « la recherche montre que quelque soit le groupe social auquel on appartient, nous avons tous tendance à traiter les gens différemment en fonction de leur groupe social, qu’il s’agisse d’ethnicité, de genre, d’orientation sexuelle ou de handicap. Nous sommes tous sujets à des biais inconscients ». C’est ainsi que les femmes, en tant que personnes minoritaires, vont être davantage observées, perçues comme différentes et enfermées dans des rôles convenus.

Les petites rivières font ainsi les grands océans d’injustice : l’accumulation rapide des avantages permet aux hommes de progresser plus vite dans leur carrière, alors que les femmes cumulent les pénalités.

Rôle d'impulsion à jouer

Pour les deux chercheuses, on ne souligne pas assez que les équipes de travail mixtes réussissent mieux. Il faut dire et redire ces avantages, et les hiérarchies ont vraiment un rôle d’impulsion à jouer.

« Nous n’avons pas à nous sentir coupables des schémas de genre. Nous en avons tous (…). Mais nous devons prendre la responsabilité de changer », a claironné Virigina Valian lors de sa conférence publique, invitant les universitaires de sexe masculin à modifier quelques habitudes : regarder les femmes quand elles parlent, prévoir davantage d’intervenantes féminines dans les conférences, les nominer plus souvent pour des prix. Quant aux directions des institutions, le suivi de tableaux de bord et la mise sur pied de groupes de pilotage peuvent déjà faire beaucoup pour que la prise de conscience aille au delà de la simple bonne volonté.

Brigitte Mantilleri, Déléguée à l'égalité de l'Université de Genève
(avec EMC)

Une opération montée par le PRN LIVES (Nicky Le Feuvre, Floriane Demont, Sylvie Burgnard, Emmanuelle Marendaz Colle), le Bureau de l'égalité de l'UNIL (Stefanie Brander, Carine Carvalho) et le Bureau de l'égalité de l'Université de Genève (Brigitte Mantilleri, Olivia Och)

Prix pour un mémoire de master "LIVES" sur le bonheur conjugal à long terme à l’Université de Berne

Prix pour un mémoire de master "LIVES" sur le bonheur conjugal à long terme à l’Université de Berne

Depuis 2011, le prix de l’avancement de l’Université du 3e âge de Berne est attribué annuellement à une recherche particulièrement méritante sur le thème de l’âge et du vieillissement. Cette année, la récompense de 10'000 francs va à Jeanine Zwahlen pour son mémoire de master intitulé "Marital satisfaction in long-term partnerships: A typological approach" (Satisfaction conjugale dans les unions de longue durée : une approche typologique), réalisé dans le cadre du Pôle de recherche national LIVES sous la supervision de la Prof. Pasqualina Perrig-Chiello. La remise du prix aura lieu lors du Dies Academicus de l’Université de Berne le samedi 7 décembre 2013.

L’objectif de ce travail était d’identifier des modèles de relations de couple durables à partir d’individus n'ayant connu qu'une seule union maritale, une population peu étudiée jusqu’à présent de manière empirique. Partant de données récoltées par le questionnaire de l’IP12 du PRN LIVES et se concentrant sur 258 femmes et 236 hommes (494 individus au total), tous mariés depuis au moins quarante ans, l’analyse typologique a établi deux groupes : un ensemble de partenaires satisfaits et un ensemble de partenaires insatisfaits. Les deux groupes diffèrent non seulement dans leurs ressources inter et intra personnelles, mais montrent également différentes valeurs dans leurs indices de santé. Les personnes satisfaites rapportent plus de satisfaction conjugale et sexuelle, et atteignent en outre de meilleurs scores en co-développement de la relation. De plus, les individus heureux en mariage sont caractérisés par de moins grands degrés solitude, une meilleure santé psychologique et physique, ainsi que par moins de névrotisme et plus d’agréabilité.

La Prof. Pasqualina Perrig-Chiello, cheffe de l’IP12 du PRN LIVES, a déclaré que « le travail de master de Jeanine Zwahlen représente un formidable exploit scientifique qui aide à combler une lacune dans la recherche. Je trouve remarquable qu'une étudiante de master ait pu traiter une thématique complexe sous la forme condensée d’un article scientifique aussi différencié et informatif.»