5 entreprises suisses ayant fermé leurs portes utilisées comme cas d’étude sur le chômage
Pour le projet de thèse d’Isabel Baumann, assistante diplômée à l’Institut des sciences sociales de l’Université de Lausanne, 750 ex-employés de compagnies en faillite ou délocalisées à Genève et ailleurs ont répondu à un questionnaire sur les conséquences de leur licenciement. Cette enquête permettra d’avoir une meilleure image des gagnants et des perdants.
En automne 2011, 1200 personnes ayant perdu leur emploi lors de la fermeture de leur usine à Genève, Berne et Soleure entre début 2009 et mi-2010 ont reçu un questionnaire portant sur leur situation actuelle au niveau professionnel, financier et personnel. 63% de ces personnes ont répondu à l’enquête, dont les données sont maintenant en cours d’analyse dans le cadre de la thèse d’Isabel Baumann, doctorante au PRN LIVES et Life course and Social Inequality Research Center (LINES), qui présentait son projet le 13 février 2012 lors des premières Doctoriales du PRN LIVES.
Les 5 entreprises, autrefois actives dans les secteurs de la machine-outil et de l’impression, ont connu divers sorts : dans le meilleur des cas, les employés ont été licenciés avec six mois de préavis et un plan social ; dans le pire, les travailleurs ont perdu leur emploi d’un jour à l’autre sans aucune indemnisation. Les données récoltées indiquent que deux tiers des répondants avaient retrouvé un emploi au moment de l’enquête, environ deux ans après la fermeture de leur entreprise. Parmi les gens qui travaillent de nouveau, la moitié avait retrouvé un emploi en moins de deux mois.
Une des hypothèses d’Isabel Baumann est que les employeurs engagent plus facilement une personne licenciée collectivement qu’un autre type de chômeur, car ils estiment que les compétences personnelles du candidat n’étaient pas en cause dans son licenciement. Cette théorie sera vérifiée en comparant l’échantillon avec une base de données de personnes au profil similaire mais qui n’ont pas subi de licenciement collectif.
Conserver ses compétences
Une autre hypothèse de travail stipule que ceux qui ont accepté un travail en intérim ont eu moins de difficultés à reprendre un emploi stable par la suite et ont connu moins de perte de salaire. "Je m’attends à ce résultat, car un emploi temporaire empêche la perte des capacités professionnelles, et est interprété par les recruteurs comme un signal de motivation", affirme la doctorante.
La thèse d’Isabel Baumann s’intéressera aux parcours de ceux dont le bien-être et le revenu ont été particulièrement impactés, en positif ou négatif, par l’épisode du licenciement et le processus de réintégration professionnelle. 20% des travailleurs licenciés ont fini par retrouver un emploi mieux rémunéré et 30% sont aujourd’hui moins bien payés. Parmi ces derniers, la doctorante s’attend à voir surtout des personnes peu qualifiées, âgées, maîtrisant mal la langue ou étant restées longtemps dans le même emploi, ayant donc des connaissances moins facilement transposables. Au contraire, elle s’attend à ce que parmi les gagnants soient surreprésentés des gens aux compétences plus généralistes, comme la gestion, l’encadrement ou la communication.
Quant aux impacts sur la vie sociale et la santé, on constate que les relations avec les proches ont été relativement peu affectées par l’événement, contrairement à la santé psychique, qui est le plus impactée, en bien ou mal, par le licenciement et de ses conséquences. Une analyse plus fine des résultats permettra de mieux comprendre ces mécanismes.